Ouidah la mystérieuse. Cette ville du sud est connue pour être la capitale historique du Bénin. S’il en ressort une ambiance nostalgique, il n’en demeure pas moins que cette ville cache un grand secret : celui d’un commerce ayant bouleversé à jamais l’histoire de toute l’Afrique. Sur les traces de nos ancêtres, cap sur la route des esclaves. Accrochez-vous à vos mouchoirs, la descendante émotionnelle sera rude.
La Route des Esclaves
La route des esclaves est jalonnée de vingt-trois superbes statues créées par Cyprien TOKOUDAGBA. Ces statues représentent symboliquement chaque roi du Dahomey et surtout l’histoire de la traite négrière (la traite de l’or noire). Mais penchons-nous sur les statuts se rapportant à cette traite des esclaves.
Véritable musée en plein air, il est exceptionnellement émouvant et éprouvant. Relatant sans l’ombre d’un mythe une douleur passée mais continue, elle nous pousse à enjamber les traces de nos ancêtres partis vers d’autres contrées, et ce de manière inhumaine. L’histoire de 2 millions d’hommes, de femmes et d’enfants vendus par leurs rois aux étrangers.
Ces statues ont été faites dans des lieux sensés être l’emplacement exact de ces maisons de tortures et des endroits parcourus par nos ancêtres. Ainsi, du marché des esclaves à la porte du non-retour, prenez avec nous ce sentier parsemé de stupeur.
La place des enchères
C’est sous cette place que se déroulaient les échanges commerciaux dans l’ancien Dahomey. Si certains venaient y vendre leurs produits aux européens, d’autres y vendaient des êtres faits de chairs et de sang, prisonniers de guerre, victimes d’une vindicte populaire ou d’une intolérance ethnique. Homme, femme, enfants étaient compris dans le lot des « marchandises ».
Le représentant des rois était le dénommé Cha-Cha (ancêtre de la lignée des De-Souza). Le prix de nos ancêtres ? Une pipe valait 5 esclaves. Une bouteille d’alcool 10 esclaves. Un canon 15 hommes ou 21 femmes. De quoi donner la chair de poule. Aujourd’hui la place des enchères est renommée la « Place Cha-Cha » en référence au vendeur d’ancêtres, Don Francisco alias Cha-Cha.
La Maison fleurie
Une fois mis aux enchères, nos ancêtres devaient s’y rendre pour recevoir leurs marques d’esclaves. Une marque au fer rouge, de leurs nouveaux propriétaires. Une fois cette étape franchie, ils entamaient une périlleuse marche vers l’Océan.
La maison fleurie fut bien plus tard détruite. Toutefois, elle se situait en face de l’ancien marché de Ouidah
L’Arbre de l’Oubli
Il porte bien son nom. Les nouveaux esclaves arrivés au niveau de cet arbre devaient y faire plusieurs fois le tour. Les hommes devaient en faire le tour 9 fois. Quant aux femmes, elles devaient faire le tour de l’arbre 7 fois.
Cette boucle de manœuvre n’était pas pour le plaisir. À chaque tour de l’arbre faites, les esclaves devaient hypothétiquement oublier leurs passés, leurs identités, leurs cultures. En somme, tous ceux à quoi ils tenaient. Le but de cette manœuvre était de faire d’eux des êtres sans aucune volonté et entièrement soumis à leurs nouveaux maîtres.
La case ZOMAI
Après l’arbre de l’oubli, les esclaves étaient conduits dans une sorte d’entrepôt lugubre. D’après l’histoire contée, le soleil n’y filtrait pas. Les esclaves n’avaient aucun moyen de voir le ciel ou de sentir le vent sur leurs peaux. Entassés dans cet endroit sordide les uns sur les autres, ils y demeuraient durant au moins 4 mois, jusqu’à l’arrivée des négriers.
Ces conditions de vie extrêmes avaient pour but de leur faire tâter une infirme partie des réalités qui seraient dans peu de temps la leur. Malnutris, certains mourraient dans ces conditions. Rester ainsi rendait difficile toute rebellion. Certaines volontés farouches étaient mises en miettes. Quant à l’état psychologique, il était sans aucun doute au plus mal.
Une fois cette case ouverte pour en faire sortir les esclaves, le négrier avait la ferme conviction qu’il n’y retrouverait que des marionnettes dépourvues de volonté. Une fois cette étape passée, cap sur l’arbre du retour.
L’Arbre du retour
Nous pouvons qualifier cet arbre, de l’unique geste d’humanité que faisait le négrier aux esclaves. En effet, c’est le seul symbole de « pitié » que nous rencontrerons sur la route des esclaves.
À ce niveau, nos ancêtres étaient autorisés à faire trois fois le tour de cet arbre. Ce geste leurs garantissaient de manière spirituelle que leurs âmes reviendraient sur la terre de leurs ancêtres après leurs morts. Beaucoup y pleuraient. Ce qui est tout à fait normal, car ils avaient conscience que ce voyage ne pouvait déboucher que sur une chose : leurs morts.
La porte du Non-retour
Nul besoin d’être un fin littéraire pour comprendre ce que cela signifiait. Vendus par leurs frères, leurs rois, les esclaves (hommes, femmes, enfants) étaient conduits enchaînés jusqu’à la plage. Là, les attendaient des pirogues devant les guider aux bateaux des européens ou américains.
En mer, certains par fierté ou par honte, s’y jetaient. Il vaut mieux mourir libre que vivre en esclave, n’est-ce pas ? Mais si par malchance le suicidaire venait à être sauvé (dans de rare cas), il était violemment battu voire castré.
La bâtisse symbolisant la porte du non-retour fut inaugurée en 1995 et fut réalisée par Fortuné BANDEIRA.
La plage de Ouidah est la conclusion dramatique de toute cette lugubre histoire. On dit que cette plage est celle ayant vu partir le plus d’esclaves dans toute l’Afrique de l’Ouest.
Nous espérons que ce voyage plongeant en plein cœur de l’histoire des esclaves vous aura permis de mieux connaitre cette ville jalonnée d’histoire et de culture !