Ah la musique ! S’il y a bien un secteur qui unit mais qui dans le même temps divise le peuple Béninois, c’est bien celui-là. Les artistes accusent le public de ne pas les soutenir, tandis que les fans traitent ces derniers de « partisans du moindre effort ». Et pourtant, le talent ce n’est clairement pas ce qui manque dans ce milieu. Mais alors, pourquoi la musique Béninoise n’arrive-t-elle pas à se faire une place au soleil ? Pourquoi malgré tout le parcours mis en place, des festivals aux concerts, les artistes n’arrivent-ils pas à sortir la tête de l’eau ? Pour avoir des réponses à ces interrogations, il convient de faire un petit saut dans le passé afin d’analyser le circuit même de la musique de notre pays.
Hip-Hop Kankpé
Pour commencer ce circuit, il faudra remonter à la source même, le moment où la lumière a été mise sur la scène musicale Béninoise. En 2001, le groupe Ardiess décide de mettre sur pied un festival dédié au hip-hop et au rap. L’objectif ? Dénicher des talents, favoriser le brassage de la communauté hip-hop/rap du Bénin et de la sous-région et bien sûr, enrichir la culture du Bénin. Le festival se voulait également être un vecteur de professionnalisation de ce milieu : rap, slam, danse, graff, etc.
A l’époque, Hip-hop Kankpé était donc le rendez-vous à ne pas manquer ! Le festival se tenait sur plusieurs jours et se déclinait en plusieurs catégories, du meilleur single RnB au meilleur album en passant par le meilleur clip vidéo, etc. Chaque catégorie exigeait donc des critères de sélection bien définis. C’est dire à quel point les organisateurs faisaient de leur mieux pour maintenir l’ordre. La scène du Hip-hop Kankpé a révélé des talents mais a aussi vu défiler des stars d’ici et d’ailleurs : Flavor, Colonel Reyel, J-Martins, Zaho, Brick and Lace, etc. C’est d’ailleurs ce festival qui a grandement contribué à la renommée de Blaaz dans la sous-région.
Quelques années plus tard, le festival recevra le soutien et la participation active de MTN Bénin. Désormais, on parlera de MTN Hip-hop Kankpé. La direction de l’organisation ayant changé, le modus operandi ne fut pas épargné. Mais le festival battait toujours son plein. Puis en 2016, silence radio. Aucune annonce festivalière, aucun communiqué des organisateurs, rien à se mettre sous la dent. Comme le Titanic, le festival Hip-hop Kankpé a sombré, au grand désarroi du public dont il était le principal divertissement musical. Ce qu’il s’est réellement passé ? Nous ne saurons le dire. Mais poursuivons notre circuit, voulez-vous ?
Yellow Summer
Vous vous souvenez sûrement de la vague jaune qui a déferlé sur Cotonou de 2009 à 2017 ! Yellow Summer était en effet une initiative du groupe MTN Bénin qui avait lancé le festival dans le but de meubler les vacances de ses abonnés. C’était donc un show gratuit qui se déroulait sur la plage de Fidjrossè et accessible sur présentation d’un bracelet obtenu dans une agence MTN. Inutile de vous dire qu’à chaque édition il y avait une foule monstre !
Le festival démarrait donc par des jeux, puis venait le tour des artistes underground qui voyaient là l’opportunité de se faire connaitre du public. Les stars locales prenaient ensuite d’assaut la scène et mettaient le show. Il y avait également des prestations de danse, des défilés de mode, etc. Mais le clou du spectacle, c’était bien sûr les guest stars invitées ! Sidiki Diabaté, Tiwa Savage, Dadju, Kizz Daniel et même le rappeur Français La Fouine ont déjà en presté en live sur la scène de Yellow Summer ! Malheureusement, après l’édition de 2017, plus de nouvelles ! Et rebelote !
Coca Cola Star promo
C’était le concours par excellence de détection des talents musicaux. Coca Cola Star Promo se déroulait durant les vacances et s’est tenu sur huit éditions. La plus marquante de ces éditions reste sans aucun doute la 7ème : elle a consacré et révélé Krystell, aujourd’hui Sessimè, une valeur sûre de la musique béninoise. Ce fut là le début d’une carrière qui poursuit encore son cours de nos jours.
Mais après la 8ème édition, plus rien. Retour à la case départ. On se rend donc compte que le showbiz Béninois n’a jamais manqué de volonté ni même d’ambition, au vu des nombreux projets qui ont émergé ça et là depuis le début des années 2000. La véritable question c’est : pourquoi ces projets s’essouflent-ils du jour au lendemain sans aucune explication ? Une réponse concrète à cette interrogation permettra peut-être de comprendre pourquoi la musique Béninoise en est encore à cette étape. Mais tout espoir n’est pas encore perdu, puisque nous avons un nouveau festival qui semble avoir de beaux jours devant lui mais aussi un impact considérable sur notre showbiz !
Le festival We Love Eya
Ce fut LE show de la fin d’année 2022 ! Inédit et spectaculaire, le Bénin n’avait jamais connu un rassemblement aussi côté. Au vu des têtes d’affiche, cela semblait même trop beau pour être vrai. Pendant 2 jours, le public a vu défiler des artistes internationaux : Didi B, Ronisia, Tiakola, Naza, Niska, Naira Marley, Ya Lévis et même Wizkid ! D’ailleurs, ce dernier a préféré le Bénin à la Côte d’Ivoire pour délivrer sa prestation, ce qui avait créé une guéguerre entre les Béninois et les Ivoiriens sur les réseaux (rires).
Nos artistes locaux n’ont pas été en reste : Blaaz, Nikanor, Sessimè, Vano, Togbè Yéton, Bobo Wê, … ils étaient tous là pour mettre le feu. La première édition du We Love Eya a été un franc succès et a de nouveau mis la scène musicale Béninoise sous les projecteurs. Nous espérons qu’il puisse devenir aussi grand et celèbre que les festivals Afrochella et Afronation du Ghana par exemple. L’occasion sera donc propice pour ouvrir les portes de l’International à nos talents locaux.
Cette initiative de Lionel Talon a de beaux jours devant lui puisque le public attend avec impatience la 2ème édition. Aurons-nous enfin un festival Béninois qui dure dans le temps ? Le showbiz Béninois en sortira-t-il grandi ? Rendez-vous dans 10 ans !