Il est de plus en plus fréquent de voir les artistes béninois s’inspirer de notre culture pour produire leurs œuvres visuelles. Ce qui pour eux peut représenter une expression de sentiments personnels se révèle un autre moyen d’exporter la culture béninoise.
Dans ce ticket, nous nous intéressons à HOUEFA, une bd reprenant les codes du manga, qui dévoile un récit de la spiritualité vodoun. Son auteur, Gilchrist DOMINGO, a bien voulu nous partager sa vision sur la capacité d’exportation de la culture béninoise.
HOUEFA, une œuvre originale qui révèle la mythologie vodoun
Dans HOUEFA, on a droit à un récit qui explique les divinités à la base de la création de la terre, telle que nous la voyons aujourd’hui. La narration est captivante et toute personne qui lit a tôt fait d’être fascinée par cette légende.
On en arrive même à se demander comment le narrateur a eu accès à cette connaissance et d’où lui est venue l’idée d’une telle œuvre. Selon ce dernier, l’idée du scénario lui est venue alors qu’il parcourait un traité portant sur la mythologie du Dahomey et les diverses légendes y étant rattachées.
Comprenant donc à quel point notre culture est riche et inexploitée, ce raconteur d’histoires prit le pari de vendre au monde, la mythologie dahoméenne telle qu’elle n’a jamais été vue.
Comment s’inspirer du vodoun pour son art ?
Autant notre culture est riche, autant il existe différents moyens de l’exprimer à travers l’art. Gilchrist, lui, se documente sur le sujet mais il va plus loin. Ce bédéiste se rapproche des chefs traditionnels, à la quête de substance pour sa narration car, dit-il, il y a tellement à savoir.
Dans un Bénin où la transmission du patrimoine spirituel en qualité est devenue un défi, il y a beaucoup d’efforts à faire pour avoir accès à l’information non dénaturée. Selon donc Gilchrist DOMINGO, il faut aller à la recherche de l’information et l’utiliser comme base de son art. Ensuite, la créativité de l’artiste se livre à une expression propre à son type d’art. C’est bien le processus qu’il a suivi pour la conception de HOUEFA, car il dit : « Ces références viennent tout d’abord du peu que j’ai lu sur le sujet(car il reste beaucoup à découvrir) mais aussi de discussions avec des chefs traditionnels que j’ai eu l’honneur de rencontrer.»
La culture béninoise est-elle exportable ?
Quand on voit les cultes traditionnels, tels qu’ils nous sont présentés, on se demande bien de quelle manière l’on arrivera à exporter et surtout faire accepter cette culture au monde. Houefa, le personnage principal (dont la bd porte le nom) est mené dans ses aventures à combattre des ombres et à suivre des initiations dans un monde parallèle à notre dimension.
On a presque l’impression d’être dans un Marvel lorsqu’on lit. Et cette impression est voulue. Selon l’auteur, il faut arriver à faire vivre au consommateur une expérience fantastique et captivante tout en lui vendant la beauté et les subtilités d’une culture vodoun trop peu connue dans ses légendes et mythes.
Il s’explique : « Je pense que faire découvrir notre culture, nos mythes et nos légendes à travers la bd et le cinéma d’animation contribuera grandement au développement de notre nation et suscitera l’envie des autres peuples de nous découvrir ». Ainsi fait, nos traditions endogènes pourraient facilement contribuer au développement économique du Bénin.
Y-a-t-il un format adapté pour l’exportation du vodoun ?
Quand on dit qu’un individu est l’adepte d’une divinité, il est facile sous nos cieux de parler de possession démoniaque. Mais lorsque dans une bd, une petite fille se fait guider par une voix dans sa tête, cela devient automatiquement beau, digeste et acceptable. Dans l’univers de la bd et du cinéma, il revient aux narrateurs de trouver le moyen de faire percevoir aux consommateurs divers angles de cette mythologie.
En prenant l’exemple de la Grèce, on se rend compte que le pays est peu connu mais sa mythologie a traversé toutes les frontières et est depuis toujours adaptée au cinéma. Quant au Japon, presque tout le monde consomme les histoires fantastiques des mangas et nourrit sur la base de ce qu’il y voit, le rêve de visiter le pays, essayer sa gastronomie et sa culture.
On est donc tenté de dire que l’intérêt du manga vient du fait qu’il est connu et résulte d’un travail performeur. Mais avant d’être connu, il y a eu de nombreux illustrateurs qui ont produit des œuvres et les ont révélées au monde. Les codes du manga sont nés ainsi et selon l’auteur de HOUEFA, c’est ainsi que naîtront les codes de la bd béninoise, à travers la pratique et la publication de contenus originaux. Toutefois, le format de l’œuvre importe peu car selon Gilchrist : « utiliser les codes de la bd belge ou du manga n’est pas mauvais en soi. Je pense que l’essentiel c’est l’authenticité. »
Somme toute, on comprend que la culture vodoun a le potentiel de conquérir le monde à travers la bd et le cinéma si les artistes, nombreux, produisent du contenu original et en masse. Et pour ce faire, il est important de se renseigner sur les récits de notre patrimoine culturel afin d’avoir de la matière à exposer. Toutefois, quand on connaît les réalités de transmission des connaissances du vodoun, on se demande si tout individu peut puiser et s’inspirer des traditions et les vulgariser sans être un initié.