En cette période particulière où le carême (chrétien) laisse place au jeûne musulman (Ramadan) avec quelques jours où ils coïncident, un concept unique est partagé : le sacrifice. Tant de jours où les croyants se recueillent et font preuve de multiples renonciations pour des raisons de foi.
C’est ainsi que le sens de ces sacrifices peut échapper à toute personne étrangère à la notion de croyance. Il se pose alors la question de la nécessité de ces privations.
Pourquoi se priver de nourriture ? Pourquoi éviter de médire ? Pourquoi faire plus d’aumône ? Pourquoi spécifiquement en cette période ? Tout simplement : pourquoi toute cette ascèse ?
La notion de sacrifice religieux : un acte de foi
Le sacrifice peut prendre de nombreuses formes, comme l’offrande de nourriture, d’objets précieux, ou même le sacrifice d’animaux ou de personnes. Comprenez que pour les croyants, il est question de prouver leur bonne foi envers un être supérieur.
La Bible en illustre l’exemple à travers ses récits. En suivant le même syllogisme, le sacrifice ultime est considéré comme celui de Jésus-Christ, qui a donné sa vie pour sauver l’humanité du péché.
Le fond de ce moment de partage au cœur de ces communautés est très profond : le pardon et l’absolution des péchés. Cette manière de penser et d’agir guide les cœurs et les habitudes, depuis le bas âge. Le principe est inculqué, pour que les périodes de carême ou de ramadan, soient considérées comme une source de grâce divine.
Dans les livres saints, on retrouve diverses motivations et manifestations de sacrifice.
Soumission et Conviction
Le Coran raconte l’histoire d’Ibrahim qui emmène sacrifier son fils Ismail sous la demande de Allah. Après les difficultés traversées pour engendrer ce fils, Ibrahim n’hésite pas à se soumettre à la volonté divine. Il affronte le malin et se rend au lieu du sacrifice accompagné de son fils. Le livre saint expose que Ismail une fois informé ne remit pas en question l’ordre de son père pour Allah.
Il ressort de cette histoire la soumission infaillible à Dieu dont on ne comprend pas toujours les actes. On aborde également la conviction que Celui qui donne ne peut reprendre, si ce n’est pour une réalité qui nous dépasse.
Par la suite, au moment où Ibrahim s’apprête à planter le couteau dans la gorge de son fils, il entend la voix de Allah qui l’arrête. À la place de son fils, le père immole finalement un bélier (envoyé par Allah) pour servir de sacrifice généreux. C’est en mémoire de cette dévotion que les musulmans ont établi la fête du sacrifice.
Toutefois, ils précisent que ce n’est pas l’animal qui compte, mais la volonté de se soumettre par amour à Allah. Le sacrifice sous cet angle présente un aspect de soumission au divin, et de profond respect.
On offre un objet, une renonciation, une intention pure et désintéressée
On ne saurait parler de sacrifice s’il ne nous était pas demandé de nous séparer d’une réalité qui nous est précieuse. Et chez les croyants, c’est la valeur personnelle de cette offrande qui détermine son importance.
Toujours en rapport au Coran, rappelons l’histoire de Habil et Qabil qui pour résoudre un différend offrirent chacun un sacrifice à Dieu. Selon le récit, Habil prit le soin d’offrir le meilleur bélier de son troupeau, un animal en bonne santé et très bien nourri.
Quant à son frère, il donna une partie de sa récolte, qui n’était pas la meilleure. Comme vous le savez tous, l’offrande de Habil a été acceptée et celle de son frère, rejetée.
Le don de soi
Ce qu’encourage la spiritualité c’est : sanctifier son corps pour se rapprocher de Dieu. S’il est vrai que certaines personnes jeûnent dans le but d’acquérir des bénéfices personnels, le vrai sens de cette pratique est bien au-delà.
En jeûnant, le croyant se défait de son habit de péché pour revêtir une tenue d’humilité devant la face de Dieu. Il se prive de nourriture, il prie plus que d’habitude, il s’abstient de comportements déviants, il partage son pain avec son prochain et il pardonne ceux qui l’ont offensé. Chez les chrétiens, on parle de « sacrifice d’un cœur pur. »
C’est en infligeant de gaieté de cœur toutes ces « afflictions » à son être qu’on montre à Dieu à quel point l’on regrette ses mauvaises voies et que l’on implore sa grâce. Selon la Bible, après que David se soit recouvert de cendres, humilié, déchiré ses habits de royauté et jeûné plusieurs jours, Dieu lui pardonna sa faute.
Il en découle que la valeur première du sacrifice du carême est la sanctification. Il s’agit donc d’offrir à la Divinité un être meilleur, saint de corps et d’esprit et dévoué à la cause d’autrui : Le don de soi.
Toute vie appelle le sacrifice
En réalité, le sacrifice n’a pas qu’un aspect religieux. Pour s’assurer une carrière professionnelle, on s’inflige plusieurs années d’études, des nuits sans sommeil et des investissements (de temps, d’énergie, de finances, …). Les sportifs professionnels quant à eux atteignent leurs meilleurs records bien souvent au prix de leur santé et d’une routine très rigoureuse.
La notion de sacrifice prend alors tout son sens, car il est au cœur du quotidien de tous. Confrontés aux difficultés de la vie, il est habituellement question de renoncer à une chose précieuse pour en obtenir une autre. On aborde là une façon de donner un sens à ses choix, en acceptant que chaque décision implique une perte.
Le sacrifice le plus connu reste celui d’une femme à l’égard de sa famille : donner naissance, donner la vie et se consacrer aux êtres qui lui sont chères. Nous n’omettons en rien les martyrs de nos pays. Toutes ces personnes qui au prix de leurs vies nous assurent aujourd’hui un monde :
- visant l’équité et la justice ;
- où les droits des Hommes sont mieux respectés ;
- où des femmes ont le pouvoir de décision ;
Sommes-nous dans l’obligation de nous sacrifier ?
Se sacrifier est synonyme de consentir au renoncement. Foncièrement basé sur la relativité, c’est un choix personnel auquel tous sont libres de consentir.
Ainsi, ai-je le choix de croire en un être supérieur, de croire au paradis ou à l’enfer ? Le sacrifice quotidien consenti pour sa vie sociale est d’ailleurs totalement personnel. Nous avons le choix d’accepter de travailler, la femme a le choix de donner naissance. Dans le fond, il serait fondé de dire que le sacrifice est pleinement consenti. Toutefois il n’est rien de valable que l’on puisse obtenir sans sacrifice. Le concept s’impose alors à toute personne dévouée à une cause et en quête d’un résultat.
Somme toute, une information revient : notre vie est une succession de sacrifices. Certains répondent à un besoin personnel et d’autres constituent une œuvre bénéfique pour le monde, les générations à venir.
C’est cette dernière option que met en exergue le carême dans les religions car en purifiant sa personne, on offre une meilleure version de soi-même au monde qu’on habite. Et cette période est pour tous l’occasion de se remémorer que nous sommes le fruit de puissants sacrifices.